Agriculture syntropique

Facilitateur de projets

La syntropie est cette capacité du monde vivant à aller vers des systèmes et des organisations de plus en plus complexe, par opposition à l’entropie1. C’est donc de là qu’Ernst Götsch a puisé ce terme d’agriculture syntropique.

Ce scientifique d’origine suisse s’est installé au Brésil en 1984 dans l’État aride de Bahia dans une ferme de 500 hectares de terres dégradées et improductives. Pendant 30 ans, il a mis en œuvre des techniques basées sur son observation de la nature qui ont permis de recréer une forêt de type tropicale humide. Ces techniques se sont largement répandues au Brésil, mais également dans de nombreux autres pays avec des résultats très encourageants.

L’agriculture syntropique vient donc ici apporter une solution technique pour transformer nos monocultures en zone de production conçue selon les règles d’organisation spatiale et temporelle de la forêt.

1  L’entropie caractérise le niveau de désorganisation d’un système. D’après les principes de thermodynamique, elle ne peut qu’augmenter. Or la nature, grâce notamment à la photosynthèse va à l’opposer de ce principe vers des systèmes de plus en plus complexes.

1. Les principes qui sous-tendent sa conception

La méthode de Ernst Götsch se base sur plusieurs principes :

1.1. La succession

LES PHASES DE L’EVOLUTION DES ECOSYSTEMES

Pour Ernst Götsch, les écosystèmes passent par trois grands phases :

La phase placenta

Ce sont des plantes pionnières qui vont créer les conditions à l’arrivée de la phase suivante. Ces plantes vont fournir à l’écosystème un sol plus riche, de l’ombre, des barrières protectrices aux prédateurs, et c’est donc au sein de ces placentas que vont émerger les plantes du stade suivant.

La phase secondaire, (subdivisée en trois sous-phases : initiale, intermédiaire et tardive)

Ce sont des plantes à croissances plus lente

La phase climax

Ce sont les plantes qui occuperont le système une fois celui-ci arrivé à maturité.

Ainsi après chaque étape, les conditions de vie sont meilleures et préparent la phase suivante. Alors, le lieu devient de plus en plus fertile jusqu’à qu’il atteigne le climax.

Mais la succession ne s’arrête pas là. Après une perturbation, le cycle va recommencer, mais en partant cette fois d’un niveau de fertilité plus haut.

LES TROIS GRANDES PERDIODES DE L’EVOLUTION DES ECOSYSTEMES

Ernst Götsch va ensuite réunir ces phases successives (Placenta-Secondaire-Climax-Perturbation-Placenta-…) en 3 grandes systèmes :

Le système de colonisation

 

C’est l’installation de la vie. Cette phase est dominée par des plantes qui peuvent pousser en milieu hostile.

Le système d’accumulation

 

Ce stade est caractérisé par une biocénose peu diversifiée, peu complexe, mais qui fabrique beaucoup de matière organique. C’est donc un système qui produit beaucoup de bois (lignine) et peu d’azote (petites feuilles). C’est une phase d’accumulation de la biomasse. 

Cette accumulation se fait dans le sol sous forme d’humus, qui est le produit de la dégradation de la lignine par les champignons. C’est alors l’énergie du système est principalement orientée vers la production de lignine qui va permettre d’accumuler de la matière organique dans le sol. Mais donc, peu d’énergie sera disponible pour produire la matière riche en azote. Plus le système évolue, plus ces réserves accumulées dans le sol permettront aux végétaux d’avoir plus d’énergie disponible pour produire de la matière riche en azote. C’est le passage à la phase suivante 

Le système d’abondance.

Petit à petit, l’énergie du système va être employé à la diversification et la complexification, plutôt qu’à l’accumulation de matière organique. Le système va produire une matière de plus en plus riche en azote (facile à digérer) et de plus en plus pauvre en lignine. La biodiversité et la taille des organismes augmentent. L’efficacité de la photosynthèse va arriver à son optimum et c’est la phase où la productivité de l’écosystème atteindra son maximum. C’est à cette phase que de grands herbivores apparaissent. 

On peut supposer que ces grands herbivores vont accélérer le retour du phosphore et de l’azote marin dans les forêts ! C’est le cas de l’ours par exemple qui en consommant du saumon va remettre des minéraux issus de l’océan dans la forêt. Une étude réalisée en Allemagne1 a mesuré que les arbres le long des cours d’eau sont constitués de parfois 70% d’azote issus des océans ! Leurs travaux montrent ainsi que la croissance des arbres peut être trois fois plus rapide que dans les zones où il n’y a plus de saumons.

 

L’objectif de l’agriculture syntropique est d’amener notre système à l’abondance ! 

C’est le moment ou tout devient facile. Le travail va donc constituer à sauter des phases et accélérer le processus naturel.


  ² Scott M. Gende et Thomas P., dans Spektrum der Wissenschaft

RESUME

Nous avons donc une succession de cycle ; Placenta – Secondaire – Climax – Perturbation – Placenta – … avec à chaque fois une augmentation de la fertilité du milieu.

En partant d’un sol mort, nous allons avoir n cycles dans une première étape qui est la colonisation, puis nous allons passer à l’étape de l’accumulation dans laquelle il y aura à nouveau n cycles. Puis enfin, nous arrivons à l’étape de l’abondance ou les cycles continueront

 

Toutes les espèces (placenta, secondaires et climax) ont tendance à pousser ensemble, bien qu’à des rythmes différents, pour cela elles font partie d’un seul et même « Système Ecologique ». Ces plantes vont grandir de plus en plus lentement, avec des durées de vie de plus en plus longue.

 

1.1. La stratification

Après avoir étudié comment la forêt s’installer dans le temps, Ernst Götsch va explorer son organisation dans l’espace. Il va proposer une division de la forêt en 4 strates :

  • D’abord la strate émergente (la plus haute)
  • La strate haute (canopée)
  • La strate moyenne (arbustives et buissonnantes)
  • Et la strate basse (herbacée)

Ces strates ne sont pas définies pas la hauteur des arbres mais par leur besoin en lumière. Donc en fonction des systèmes, la strate émergente pourra être à 50 mètres ou à un mètre.

Par rapport aux ouvrages classiques en écologie, Ernst Götsch ajoute ici une donnée intéressante : cette stratification est présente à chacune des phases.

Il va donc s’employer à planter des plantes appartenant à chacune des phases et occupant les différentes strates. En terme de proportion, voici ce qu’il recommande :

Ce % est la surface de l’arbre projetée au sol par rapport à la surface totale du terrain. Pour un arbre de 1 m de diamètre, cela représente 3,14m².

La surface totale des arbres est le double de la surface du terrain car les surfaces d’ombres peuvent se superposer.

 

APPLICATION

Notre objectif sera donc de planter pour chacune des phases (placenta-secondaire-climax) des plantes qui vont remplir chacune de ses strates.

Et prévoir l’évolution de ces phases qui vont passer de lu système de colonisation à celui de l’accumulation, puis à celui du climax.

En général, nous n’avons pas à gérer le système de colonisation. Quand nous arrivons sur un terrain (champs, pré, friches), nous sommes souvent déjà dans le système d’accumulation

Voici un schéma très clair qui montre la démarche à suivre pour choisir les plantes de son système avant de couvrir toutes les phases et toutes les strates :

1.3. La taille pour stimuler la croissance

Selon Ernst Götsch, les perturbations dans un écosystème entretiennent la vitalité du système. Ces perturbations sont essentielles pour que le système gagne en fertilité. En effet, elles éliminent le plus souvent des individus fragiles ou malades pour laisser place à des nouveaux individus plus vigoureux. Ceci s’accompagne d’un surcroit de matière organique au sol provenant des individus morts.

Il préconise donc de prendre la place des perturbateurs naturels des écosystèmes en provoquant fréquemment des rajeunissements du système : coupe des branches, taille des arbres, ou suppression d’individus. Ce faisant, il accélère un processus qui se fait naturellement dans les écosystèmes mais sur des cycles qui peuvent prendre des décennies.

De manière concrète, la gestion des systèmes selon Ernst Götsch passe par un élagage très fréquent des arbres à biomasse. Cette pratique a plusieurs effets :

  • Maintenir toujours les arbres dans un état de repousse permanente, transmettant ainsi une dynamique de rajeunissement et de croissance dans le système, même pour les autres plantes. Tailler les plantes est fondamentale car cela les maintiens toujours en phase « adolescence » et les empêche donc de rentrer en senescence.
  • La taille libère de hormones de croissance dans le sol qui vont servir à toutes les plantes.
  • Augmenter la production de matière organique par les arbres qui repoussent facilement
  • Contribue à l’élimination de racines et donc à un enrichissement du sol en matière organise et une porosité accrue.
  • Les résidus de cette taille sont laissées au sol et apportent donc de la matière organique et un mulch constant au sol.
  • La taille est aussi stratégique et permet de faciliter la croissance de nos espèces fruitières en leur fournissant de la lumière.
  • Enfin, on pourra ainsi maintenir la stratification du système

Pour cela, une grande partie des plantes installées ne le sont pas pour la production fruitière mais uniquement pour générer de la biomasse. C’est elle qui seront le plus intensément taillée, tout comme les plantes spontanées.

Nous allons voir dans la partie suivante que l’organisation générale du site va être planifier en prenant en compte ce principe d’arbres producteurs de biomasse.

1.4. L’organisation spatiale adaptée aux grandes cultures

Une fois les plantes sélectionnées, elles vont être organisées selon un schéma qui remplit plusieurs objectifs :

Une culture en bande pour faciliter la récolte, l’entretien et l’éventuel passage de machine.

Une orientation optimisée nord/sud pour bénéficier (ou se protéger) au mieux du soleil.

Une production importante de matière organique pour éviter les intrants.

Souvent, on trouve deux ou trois espèces majoritaires pour optimiser la production.

Ce qui nous montre que ce système est pensé pour des productions à grandes échelles.

Voici un exemple d’organisation en climat tropical :

On trouve de haut en bas

Un chemin d’accès de 50cm

Une bande cultivée de 1 m pour la production fruitière et maraichère

Un chemin d’accès de 50 cm

Une bande de production d’azote (herbes ou engrais verts)

Un chemin d’accès de 50cm

Une bande cultivée de 1 m pour la production de matière organique

Un chemin d’accès de 50 cm

Ces bandes rectilignes sont répétés selon un schéma identique avec pour objectif d’optimiser la production et de faciliter l’entretien et la récolte.

La largeur est optimisée en fonction de l’ombre que pourraient se faire les bandes d’arbres successives et en fonction des moyens mécaniques qui seraient utilisés. Dans notre exemple, la bande d’herbe fait 4.4m de large, pour un schéma type d’une largeur totale de 6.4m.

Finalement, Ernst Götsch a choisi de planter en suivant la logique de la forêt dans la succession et la stratification mais a choisi une logique humaine pour l’organisation générale de ses plantations.

1.5. L’autonomie en matière organique

Une grande partie du terrain, environ 7/8ème, est consacrée à la production de matière organique azotée et carbonée pour venir enrichir les haies fruitières dont le sol s’appauvrit du fait de l’exportation des productions.

Une partie importante de l’entretien de ces systèmes sera donc la taille, l’élagage, la tonte, … et le dépôt de ces matières organiques sur les haies fruitières.

Conclusion

Cette approche a eu un grand succès au brésil et s’est répandu dans d’autres régions du mon à climat tropical. Notre travail serait aujourd’hui de réfléchir à l’application de cette approche en climat tempéré et voir si nous pourrions nous aussi avoir des résultats si prometteurs.

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