Synchronicité

Peut-être saviez-vous que les plantes comme les chênes ou les hêtres dans les forêts ne donnent des fruits que tous les 3 à 5 ans ? Et cette année-là, les sangliers font la fête ! Ils ont de la nourriture à profusion et du coup, leur population va augmenter. Or le sanglier en retournant les feuilles et les branches, va souvent empêcher les jeunes hêtres ou les jeunes chênes de germer. Mais la nature est bien faite ! Cette même année, les arbres ne produisent plus de fruits, et du coup, les populations de sanglier vont à nouveau diminuer 

Gland sur une branche
Gland sur une branche

Cette stratégie qui consiste à ne produire des glands que tous les 3, 4 ou 5 ans permet donc de réguler les populations de sanglier et donc de permettre la régénération régulière de la forêt. 

Or cette stratégie ne peut fonctionner que si tous les arbres de la forêt fonctionnent en synergie, et ceci sur de grandes régions, puisque les sangliers peuvent aisément parcourir 10, voir 20 km. Les arbres sont donc en mesure de communiquer sur de grandes distances afin de synchroniser les années à fruits. quels sont les mécanismes qui permettent cela ?

La communication des plantes: l’exemple des acacias

Une des observations les plus anciennes a été faite sur les girafes par Wouter Van Hoven. Il a étudié pendant 2 ans le comportement des girafes dans un parc national en Afrique du Sud. Les girafes ingurgitent environ 80kg de feuilles par jour. Pourtant, lorsqu’elles arrivent sur un acacia, elles ne restent que quelques minutes, broutent que quelques feuilles puis vont vers un autre arbre. L’arbre a réagi à la présence de la girafe en secrétant des tanins. Ce sont des molécules amères et toxiques pour les girafes. Mais en même temps, l’acacia va émettre de l’éthylène, qui est un gaz qui va se déplacer dans l’air et informer les autres arbres qu’un prédateur est là. Que vont faire les autres arbres ? ils vont augmenter de manière préventive leur teneur en tanin et se préparer à l’arrivée des girafes.

Quant à la girafe, elle s’est adaptée au comportement de ces arbres et va finalement laisser une distance assez importante entre l’arbre qu’elle est en train de brouter et le suivant. Elle va donc aller vers des arbres qui n’ont pas eu l’information ! Et pour augmenter ses chances, elle va se déplacer contre le vent. 

Ce langage a une place très importante sur terre. On estime que cette molécule, l’éthylène, représente, par an, 70 millions de tonnes qui sont produit par les arbres (on dirait d’aucun que c’est un »moulin à parole »).

Auxiliaires et brouteurs de plantes

Des plantes peuvent par exemple produire des molécules en réponses à l’attaque d’une chenille afin d’appeler une guêpe à la rescousse. Celle-ci va très souvent venir pondre dans la chenille provoquant sa mort ; des expériences ont été faites sur le haricot de Lima afin d’étudier comment il réagissait à une attaque de chenilles. Tout d’abord, les chercheurs ont essayé de provoquer de manière artificielle des morsures dans les feuilles mimant celles des chenilles. Pour cela, ils avaient fabriqué un robot chenille qui pouvait « mastiquer les feuilles Â». Mais la plante n’a pas réagi. Donc il n’y aucune molécule de défense qui à été produite. Nous avons vu des expériences reproduite mais en ajoutant cette fois-ci une petite quantité de salive produite par la chenille. Et là, le résultat a été une production très importante de molécules de défense. 

Les chercheurs ont ensuite pu identifier les molécules produites. Pour cela, ils ont mis les plantes dans une sorte de boite dans laquelle ils pouvaient extraire et analyser l’air. Ils ont ainsi mis en lumière une hormone du stress comparable à notre adrénaline, le jasmonate. Cette phytohormone va rapidement se propager dans toute la plante dès qu’elle est attaquée par la chenille ce qui va conduire à la production de substances volatiles foliaires. Elles vont sortir par les stomates des feuilles puis se propager dans l’air. Or les insectes auxiliaires sont sensibles à ces substances volatiles et en comprennent le message. La sensibilité des insectes est telle qu’ils peuvent percevoir ces messages à plusieurs centaines de mètre. Ils les aperçoivent dans des concentrations si infimes qu’elles restent indétectables par nos appareils de mesure les plus performants. 

Le messages des plantes

Pour mieux comprendre ces messages, Marcel Dicke qui effectue ses recherches dans une université aux Pays bas a réussi à installer de minuscules électrodes sur les antennes de la guêpe afin de voir comment elle réagit à différentes substances végétales. Ces différentes expériences ont permis de montrer que les plantes vont émettre des substances spécifiques pour recruter l’auxiliaire correspondant au prédateur qui l’attaque. 

Finalement, elle communique de manière précise avec un insecte appartenant à une espèce déterminée et ceci sur des centaines de mètres. Ce qui est vraiment très étonnant est que la plante communique avec un individu qui n’a rien d’une plante !

Le réseau internet de la forêt

Mais on a pu montrer que les arbres pouvaient également communiquer entre eux sous terre via les champignons. 

Suzanne Simard est chercheuse en écologie forestière à l’université de la Colombie-Britannique au Canada. Elle a étudié pendant plus d’une vingtaine d’année ce réseau souterrain et s’est notamment spécialisée dans les mycorhizes, 

Les mycorhizes sont le résultat de la symbiose entre un champignon et les racines d’un arbre. On sait depuis longtemps que cette symbiose permet aux plantes d’absorber plus facilement les éléments nutritifs contenus dans le sol. 

Suzanne Simard a mené des expériences en marquant des molécules présentes dans l’arbre avec des isotopes radioactifs afin de savoir comment et vers ou ils se déplaçaient.

Elle a par exemple montré qu’un bouleau et un sapin de Douglas s’échangeaient des molécules de carbone, et donc des sucres. En d’autres termes, cela veut dire que ces deux arbres se partagent de la nourriture.

Quelle peut être l’intérêt pour un arbre de nourrir son congénère ? On a souvent parlé de compétition dans la forêt qui voudrait que les arbres soient les premiers à occuper les strates hautes pour avoir accès à la lumière. Ceci est vrai. Mais en même temps, l’arbre ne doit sa vie qu’à la forêt qui l’entoure. En effet, c’est la forêt qui va le protéger des vents forts. Elle qui va créer des micro-climats bénéfiques à sa croissance, qui va apporter les nutriments dont il a besoin, et qui va porter la biodiversité nécessaire à la bonne santé de cet arbre. Nous avons parlé plus haut de l’importance des insectes auxiliaires.

Le biomimétisme

Nous pourrions dire que finalement, l’arbre va effectivement être en compétition pour la lumière, mais tout en permettant à ces concurrents de grandir avec lui. Les Hommes disent que seul on va vite, et ensemble on va loin. On pourrait dire que l’arbre fait les deux en même temps ! Seul, il va vite vers la lumière, et avec les autres, il s’assure une pérennité et une stabilité dans le temps ;

C’est un bel exemple de biomimétisme pour l’humanité. Ne devrions-nous pas nous aussi chercher à exceller dans nos domaines respectifs, mais tout en aidant chaque individu à atteindre ces objectifs de sorte à être tel un bloc solide capable de résister à toute épreuve ?

Le rôle de l’arbre mère

Ces arbres reliés entre eux forment souvent une communauté centrée sur un arbre mère. Et ces communautés échanges des nutriments mais aussi de l’information.

C’est souvent le plus vieux spécimen, celui qui a traversé les siècles en s’adaptant à tous les prédateurs.

Il faut, pour comprendre ce mécanisme, savoir qu’à chaque bourgeon de l’arbre, il y a une petite recombinaison de l’ADN, de sorte à ce que toutes les branches soient, génétiquement, légèrement différentes. Or certaines de ces recombinaisons vont par exemple donner à l’arbre une résistance à telle ou telle chenille ou à tel puceron.

Le mécanisme

Lorsqu’une de ses branches est attaquée, l’arbre va fabriquer une molécule pour se défendre. Et cette molécule va rapidement se propager dans toutes les branches, les feuilles et les racines grâce à la sève. 

Comme vous le savez peut-être, la sève monte à partir des racines vers les feuilles le jour, tiré par le soleil. En effet, celui-ci provoque l’évaporation de l’eau à la surface des feuilles. Les molécules qui s’échappent de l’arbre sont accrochées à celle qui sont toujours dans la sève. C’est comme si elle tirait sur cette colonne d’eau qui traverse tout l’arbre jusqu’aux racines.

Dans les feuilles, cette sève se charge de sucres produits par la photosynthèse puis redescend dans toute la plante jusqu’aux racines pour nourrir toutes les cellules de l’arbre.

La nuit, la sève ne monte plus et nous avons uniquement le mécanisme de descente. Et c’est là que la sève va quitter l’arbre par l’extrémité des racines pour rejoindre les mychoryzes.

Mais en sortant de l’arbre, la sève va également transporter avec elle toutes les molécules de défense qu’elle aura produite dans la journée pour se défendre de tel ou tel brouteur. On connait aujourd’hui 1200 messages différents qui transitent par le sol via les réseaux de champignons entre les plantes. Savez-vous qu’en moyenne, nous utilisons moins de 1000 mots différents dans notre langage courant ? Moins que les plantes du coup … 

Le déroulement journalier des plantes

Ainsi, nous remarquons que la communauté reliée à cet arbre va être informée de toutes les attaques que l’arbre a subi durant la journée. 

Que se passe-t-il le matin ? Le soleil remet en route la pompe à eau et la sève va à nouveau être attirée vers le haut de l’arbre. Et la sève qui avait été transportée par les champignons autour de l’arbre va revenir vers l’arbre. Et que va-t-elle transporter ? L’information de chacune des plantes autour de l’arbre qui elles aussi ont produit des molécules suite à telle ou telle attaque. Ainsi, l’arbre aura une information précise de son environnement et pourra se préparer aux attaque à venir.

Et ceci explique peut-être pourquoi la plante produit en général mille fois plus de molécules messagères qu’il en a besoin pour lui. C’est pour informer les centaines de plantes qui se trouvent autour de lui.

Il y a une sorte de communication collective entre les plantes qui va permettre d’apporter une sorte d’immunité collective. Et comme nous l’avons vu précédemment, ce réseau n’englobe pas seulement les arbres mais toutes les autres formes de vie. 

Là ou l’Humain peut communiquer avec ses semblables, et de manière exceptionnelle, avoir quelques échanges sommaires avec nos animaux domestiques. L’arbre peut communiquer avec ses semblables, avec des plantes appartenant à d’autres espèces, mais même avec des organismes de règnes différents : animaux, champignons, bactéries.

Que la nature est belle ! 

4 réponses

  1. article magnifique : très bien expliqué et qui fait comprendre parfaitement les mécanismes naturels. bravo !

  2. article passionnant et très instructif. La très vieille dame que je suis regrette de ne plus pouvoir crapahuter dans les forêts

    1. Merci pour ces encouragements.
      Même sans crapahuter aux arbres, vous pouvez quand même nous rendre visite ?
      On l’espère en tout cas

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